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Douleurs chroniques à la mâchoire et post traumatique : un protocole ostéopathique

    Soulager les douleurs chroniques à la mâchoire, associées à un déséquilibre de l’occlusion dentaire, requiert souvent une approche pluridisciplinaire de praticiens en coopération étroite avec le dentiste-occlusodontiste. Eric Fournaud, Ostéopathe D.O. est l’auteur d’un protocole de prise en charge ostéopathique, validé par un essai clinique permettant de réduire les symptômes et la gravité du Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT). Des situations qui ne sont pas rares de rencontrer dans la clinique des douleurs chroniques associées à du bruxisme.

    'auteur d’un protocole de prise en charge ostéopathique, validé par un essai clinique permettant de réduire les symptômes et la gravité du Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT).
    Eric Fournaud Ostéopathe D.O. est l’auteur d’un protocole de prise en charge ostéopathique, validé par un essai clinique permettant de réduire les symptômes et la gravité du Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT).

    Information-Patient : Quels sont les symptômes associés à des troubles de l’occlusion dentaire, repérables en ostéopathie ?

    Eric Fournaud : en premier lieu, ce sont les douleurs au niveau de l’ATM (Articulation temporo-mandibulaire), des douleurs dentaires récidivantes se propageant à la mâchoire, la face et la sphère orale. Sont également très fréquentes, bien que moins évidentes pour les patients dans leur lien avec l’occlusion dentaire : les céphalées, sinusites, acouphènes et autres troubles auditifs, voire des troubles visuels. Et pour les personnes pour lesquelles le déséquilibre occlusal est ancien, on peut aussi observer des pertes de sensibilité au niveau de la face et des déséquilibres posturaux. 

    Vous repérez aussi des troubles plus distants de la bouche ? C’est moins évident à repérer pour les praticiens en odontologie !

    Eric Fournaud : En fonction de l’ancrage, c’est à dire l’ancienneté du problème, ou disons de la durée de chronicité de la douleur, il y a propagation de la douleur sur l’ensemble du corps, sur l’axe tête-pied, pouvant impliquer des troubles posturaux et d’autres pathologies chroniques. Par exemple : dorsalgies, lombalgies, des douleurs jusqu’au sacrum, mais aussi des troubles digestifs, au niveau de l’estomac, l’œsophage. J’ai même observé quelques patients se plaignant de douleurs plantaires à la suite d’intervention chirurgicale relevant de la stomatologie. Des fatigues et dysfonctions respiratoires, respiration buccale particulièrement, liées à des tensions sur la loge viscérale du cou (LVC) et fasciales peuvent aussi se rencontrer. 

    Comment intégrer l’ostéopathie dans le cadre d’un traitement d’équilibration de l’occlusion dentaire ?

    Eric Fournaud : Je dirais qu’en tant qu’ostéopathe, je suis en “backstage” des traitements des autres praticiens stomatologues. Mon rôle est de réajuster, de proposer un accompagnement thérapeutique en coordination avec les soins dentaires ou les interventions sur la bouche et la mâchoire. Car les traitements aménageant les paramètres occlusaux vont modifier certains paramètres sur le plan postural. A titre d’exemple, j’ai accompagné une patiente, engagée dans un protocole dentaire, qui souffrait de douleur intense de la mâchoire, d’une inclinaison exacerbée de tête d’un côté et parfois de douleur sous la pointe des pieds. En coordination avec de la rééducation fonctionnelle, suite à l’extraction d’une dent de sagesse arasée (dent 48), et à mon accompagnement ostéopathique, elle  a retrouvé une meilleur verticalité de la tête, la douleur sur l’ATM est passée du stade de handicap à simple gène, et au bout de plusieurs séances, elle retrouvée une marche plus équilibrée avec un balancement naturelle des membres supérieurs. J’accompagne ces réaménagements sur le plan occlusal, comme sur le plan visuel ou podologique.

    Juguler une douleur de la mâchoire améliore la qualité de vie du patient et sa fatigue quotidienne. Mon travail participe à lui redonner une posture « normale » et lui permettre de retrouver des mouvements naturels, non inhibés par la peur de souffrir, la kinéphobie. C’est donner l’opportunité au patient de retrouver le plaisir du mouvement, d’aller à la rencontre de l’autre, cela change tout …

    Cette approche coordonnée des soins implique une vision globale. Cette approche systémique requiert-elle une formation à l’ interdisciplinaire ? 

    Eric Fournaud : Nécessairement ! On a besoin d’avoir une vision globale de l’être humain, pour réadapter en permanence son traitement et l’articuler aux traitements des autres praticiens dans le parcours de soins du patient. Cela demande à chacun de connaître le champ de compétence et les contraintes de chaque discipline. Il faut établir un langage commun interdisciplinaire pour que chacun arrive à se comprendre. C’est pourquoi nous cherchons des temps d’échanges, pour partager nos recherches au sein de notre groupe de travail interdisciplinaire

    Une association de praticiens qui encourage des échanges dans une approche pluridisplinaire…

    Car il est important de bien connaître ses correspondants, ne serait-ce que pour rassurer le patient qui se sent ainsi accompagné dans sa globalité. Dans le cadre de ré-équilibration occlusale par exemple, je recommande une discussion initiale inter-praticiens pour que chacun ait le même cadre de référence-patient et une vision commune des jalons d’intervention pour le bénéfice du patient. Ensuite, je peux me caler au rythme du protocole des soins dentaires et occlusaux. Sans hésiter à s’envoyer des infos si le patient peine à les transmettre. Sans hésiter non plus à ouvrir encore le cercle des praticiens autour du patient, parfois quand, au gré des consultations, on soulève des symptômes plus délicats, dont l’origine délétère est lointaine, du registre de traumas psychologiques par exemple.

    Effectivement, les troubles occlusaux sont souvent associés à des difficultés psycho-sociales… 

    Eric Fournaud : En fait, en matière de douleurs chroniques, il y a toujours plus ou moins une dimension psychologique. Si ce n’est à l’origine de la pathologie, c’est dans les effets de la douleur au long cours. Car le fait de porter toute cette pathologie chronique va mettre le corps en état de stress permanent, le fatiguer et créer une charge mentale, un poids qui ne cesse de polluer l’état général du patient. Cette situation est anxiogène, mène vers le repli sur soi, avec des implications sur le plan psycho-social. A la longue, ce “cocktail délétère” est une autoroute vers la  dépression, le burn out. Il est donc toujours recommandé qu’il y ait un volet psychothérapeutique dans un parcours de soin long pour une pathologie chronique. 

    Cet aspect est sans doute encore plus évident lorsqu’il s’avère qu’un trauma a créé  avec l’ancrage cette comorbidité associée à de la douleur chronique : agression sexuel, viol, maltraitance… Tout trauma à caractère intrusif sans consentement laisse des stigmates. Ces situations créent un stress post-traumatique qui va exacerber la douleur agissant comme une caisse de résonance, pouvant générer de l’hyperalgésie, voire des allodynies. 

    Vous êtes l’auteur d’un protocole ostéopathique au profit de patients souffrant de stress post traumatique (SSPT). Protocole qui, c’est un fait rare, a été validé par un essai clinique. Quelles sont vos recommandations pour les personnes concernées, et pour les praticien.es ?

    Cet essai clinique a validé l’efficacité d’un protocole ostéopathique sur la durée réduisant l’impact du SSPT et l’intensité des co-morbidités associées, dont la chronicisation de la douleur. Ce n’est pas une “recette de cuisine immuable”. Il tient compte de la sémiologie du patient, des symptômes relevant du SSPT, des co-morbidités associées, mais également des précautions, Care and Practice, à mettre en place pour éviter de faire flamber ses symptômes. Ce protocole de traitement est individualisé pour chaque patient. En ce qui concerne la réduction de l’intensité de la douleur, l’essai clinique a démontré l’efficacité du protocole ostéo. avec une marge d’erreur de 1 % pour de patients diagnostiqués SSPT.   

    La vingtaine de personnes volontaires qui se sont engagés dans cet essai clinique avait vécu un, voir plusieurs traumas, du registre de la sphère civile inter-relationnelle : des traumatismes de maltraitance, d’agression sexuelle, de survivances à la mort (noyade, agression, accident de voiture), de perte violente d’un proche lors de réanimation ou d’accident , d’emprise de proche toxique .. 

    Quelques-uns souffraient de douleurs chroniques intenses, de la mâchoire et de la face associées à des co-morbidités de douleurs sur l’axe occipito-sacral. Dans tous les cas, l’intensité de la douleur a été jugulée.  

    Certaines personnes ont suivi ce traitement de façon exclusive, d’autres bénéficiaient d’un suivi pluridisciplinaire. Dans le cas de troubles associés à une malocclusion, autour du binôme ostéo – dentiste-occlusodontiste peuvent s’ajouter un psychothérapeute, un optométriste, un podologue… Chacun faisant sa part selon les besoins de la personne concernée. Coordonner les soins permet d’améliorer les résultats.

    Publications :

    Effets d’une prise en charge ostéopathique sur les symptômes et la gravité du Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT) – Essai clinique randomisé. Lien reserchegate Cliquer ici