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Douleurs orofaciales : les femmes plus que les hommes ?

    Image illustrant la douleur incompréhensible

    Les femmes semblent deux fois plus affectées que les hommes par les douleurs orofaciales chroniques.  Le dentiste-occlusodontiste le constate tous les jours. Pourquoi cette disparité homme/femme ? Les chercheurs pointent une combinaison de facteurs biologiques et psychosociaux. Les praticiens doivent apprendre à prendre en compte cette l’inégalité devant les facteurs de risques pour adapter les traitements à chacun.e.

    Les femmes sont plus nombreuses à consulter pour des douleurs chroniques. C’est un constat que font les praticiens dans leur cabinet, notamment en ce qui concerne les douleurs associées à un déséquilibre de l’occlusion dentaire. C’est aussi un sujet d’étude pour les chercheurs qui tentent d’expliquer ce phénomène encore mal compris : des différences existent entre hommes et femmes en ce qui concerne l’expérience de la douleur aiguë et celle de la douleur chronique.

    A partir de l’adolescence, les femmes sont touchées de manière disproportionnée par la douleur chronique comme le confirme une étude parue en 2022 [1]. Pour rappel, la douleur chronique touche un adulte sur cinq et constitue l’une des principales causes d’invalidité dans le monde. La plupart des douleurs chroniques sont plus fréquentes chez les femmes. Les études, montrent par exemple que les taux de prévalence des douleurs musculo-squelettiques sont plus élevés chez les femmes que chez les hommes. Pour les maux de tête, les douleurs au cou, aux épaules, aux genoux et au dos, les ratios femmes/hommes sont en moyenne d’environ 1,5 pour 1. Les douleurs orofaciales concernent 2 fois plus les femmes que les hommes. Et elles sont 4 fois plus nombreuses que les hommes à souffrir de certaines affections comme la fibromyalgie (une maladie moins répandue mais souvent invalidante).

    Hommes/Femmes : facteurs biologiques de la douleur

    La douleur est un phénomène complexe. Son impact est modulé par une multitude de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et culturels. Des différences significatives entre hommes et femmes face à ce symptôme souvent débilitant ont été mis en lumière par une récente étude menée par le Dr Nicole Jaunin-Stalder et le Dr Claudia Mazzocato.

    Historiquement, la plupart des recherches précliniques sur la douleur ont été menées exclusivement sur des animaux mâles. Cependant, des études récentes incluant des femmes ont révélé des différences
    significatives entre les sexes dans les mécanismes physiologiques sous-jacents à la douleur, notamment l’implication de différents gènes et protéines spécifique selon le sexe,que des interactions distinctes
    entre les hormones et le système immunitaire qui influencent la transmission des signaux de la douleur. La neuro-imagerie humaine a révélé des différences genrées dans les circuits neuronaux associés à la
    douleur, y compris des altérations cérébrales spécifiques selon le sexe dans les états de douleur chronique. Le sexe peut ainsi influencer la susceptibilité à développer une douleur chronique.

    Contrairement à une idée répandue, les femmes ne sont pas moins sensible à la douleur que les hommes. En réalité, leur seuil de tolérance à la douleur est plus bas, et elles rapportent souvent des douleurs plus
    sévères et plus fréquentes. Les hormones sexuelles jouent un rôle important dans cette différence, avec des fluctuations hormonales pouvant influencer la sensibilité à la douleur chez les femmes. A cela s’ajoutent d’autres facteurs aggravant.

    Hommes/Femmes : facteurs psycho-sociaux de la douleur

    La recherche clinique sur la douleur suggère le sexe peut affecter la façon dont un individu contextualise et gère la douleur. En effet, la douleur est un phénomène complexe. C’est une expérience subjective
    composée de composantes sensorielles, cognitives et émotionnelles. Par conséquent, il existe de multiples dimensions par lesquelles le sexe et le genre peuvent influencer l’expérience de la douleur. D’une part, des facteurs biologiques. Car le sexe de la personne influence les niveaux génétique, hormonal et phénotypique. Mais aussi des facteurs associés au genre, c’est à dire des facteurs de risques associé au  rôle accordé à cette personne dans un environnement social et culturel donné.
    Dans une étude internationale sur l’impact de la pandémie de la COVID19, il a été démontré que si le bruxisme induit par le « stress » avait augmenté pour toutes les catégories de population, les femmes semblaient plus impactées, en particulier celles qui dans une catégorie d’âge intermédiaires avaient à la fois des préoccupations socio-économiques, professionnelles, mais aussi la responsabilité du soin des enfants et le souci des parents âgés. 
     

    L’interprétation de la douleur, sa perception et le « coping » ne sont pas équivalentes. En général, les hommes et les femmes ont des stratégies d’adaptation différentes face à la douleur. Les femmes ont tendance à exprimer plus ouvertement leur douleur et à chercher de l’aide, tandis que les hommes ont tendance à minimiser leurs symptômes et à recourir à des moyens d’auto-médication, comme la consommation d’alcool ou de drogues. Or, plusieurs études ont montré que dans la douleur chronique, après 3 à 6 mois, la dimension émotionnelle de la douleur devient dominante. Les soignants doivent très attentifs à ne pas « psychologiser » les douleurs qui semblent idiopathiques parce que la personne peine à la décrire intelligiblement. Ces différences dans l’expression de la douleur peuvent également avoir un
    impact sur la santé mentale, avec des taux plus élevés de dépression chez les femmes et d’anxiété chez les hommes souffrant de douleur chronique.

    Hommes/Femmes inégalités dans le traitement de la douleur?

    Les différences dans l’expression de la douleur entre hommes et femmes peuvent également influencer les décisions de traitement des médecins. Les préjugés sexuels et sexistes peuvent avoir un impact sur la façon dont la douleur est perçue et traitée cliniquement (voir l’étude état des lieux des inégalités de genre face à la douleur en compilant des données recueillies dans 19 pays européens). Les hommes se voient souvent prescrire plus d’antalgiques, tandis que les femmes se voient prescrire davantage de tranquillisants. Il est crucial pour les professionnels de la santé de reconnaître ces différences et d’adapter leurs approches thérapeutiques en conséquence.

    Car, l’efficacité et les effets secondaires associés aux différents traitements contre la douleur peuvent varier selon le sexe. Ainsi, l’antalgique de référence, la morphine, pourrait ainsi être moins favorables aux femmes qu’aux hommes. La plupart des études menées sur des souris indique que les femelles sont moins sensibles à la morphine et que le développement des effets secondaires est influencée par le sexe,  notamment la tolérance antinociceptive. Dit autrement une même dose sera moins effective et l’effet analgésique diminuera plus rapidement dans une administration chronique. Un dimorphisme sexuel dans le métabolisme au sein du système nerveux central a été mis en lumière par une étude publiée en janvier 2022. Plus globalement, cette étude illustre l’importance de considérer le sexe comme une variable biologique dans le développement d’antalgiques destinés au traitement de la douleur en clinique.

    Ces résultats
    démontrent que le dimorphisme sexuel existant dans le métabolisme, en
    particulier au sein du système nerveux central, est une source
    potentielle de variation des effets de la morphine. Plus globalement,
    cette étude illustre l’importance de considérer le sexe comme une
    variable biologique dans le développement d’antalgiques destinés au
    traitement de la douleur en clinique.

    chez les rongeurs, la
    vaste majorité des articles publiés indique que les femelles sont moins
    sensibles à la morphine et que le développement des effets secondaires,
    et notamment de la tolérance antinociceptive (i.e. diminution
    de l’effet analgésique d’une dose de morphine donnée après une
    administration chronique) est influencée par le sexe.
    chez les rongeurs, la
    vaste majorité des articles publiés indique que les femelles sont moins
    sensibles à la morphine et que le développement des effets secondaires,
    et notamment de la tolérance antinociceptive (i.e. diminution de l’effet analgésique d’une dose de morphine donnée après une administration chronique) est influencée par le sexe
    chez les rongeurs, la
    vaste majorité des articles publiés indique que les femelles sont moins
    sensibles à la morphine et que le développement des effets secondaires,
    et notamment de la tolérance antinociceptive (i.e. diminution de l’effet analgésique d’une dose de morphine donnée après une administration chronique) est influencée par le sexe
    chez les rongeurs, la
    vaste majorité des articles publiés indique que les femelles sont moins
    sensibles à la morphine et que le développement des effets secondaires,
    et notamment de la tolérance antinociceptive (i.e. diminution de l’effet analgésique d’une dose de morphine donnée après une administration chronique) est influencée par le sexe

    En conclusion, la prise en compte des différences entre hommes et femmes dans la perception, l’expression et le traitement de la douleur est essentielle pour une prise en charge efficace et équitable des patients. Des recherches supplémentaires dans ce domaine sont nécessaires pour mieux comprendre ces disparités. Cependant, la singularité de chacun.e peut être abordée dans une approche centrée sur la personne. Chaque praticien peut améliorer la qualité des soins pour tous et toutes.

    Pour aller plus loin

    Osborne NR, Davis KD. Sex and gender differences in pain. Int Rev Neurobiol. 2022;164:277-307. doi: 10.1016/bs.irn.2022.06.013. Epub 2022 Jul 30. PMID: 36038207.

    Leresche L. Defining gender disparities in pain management. Clin Orthop Relat Res. 2011 Jul;469(7):1871-7. doi: 10.1007/s11999-010-1759-9. PMID: 21210309; PMCID: PMC3111774.

    Enquête suisse sur la santé 2007, OFS 2007, Sur une période de quatre semaines, part de la population de quinze ans et plus vivant en ménage privé.